17 mars 2013

We could be heroes

The Perks of Being a Wallflower (Le Monde de Charlie), Stephen CHBOSKY

Un roman d’adolescence qui sonne juste.

Ado, la mixtape constituait, plus encore qu’une lettre, l’objet à travers lequel l’apprenti-amoureux que j’étais s’exprimait le mieux. À côté des messages transportés par les chansons, la K7 était également la promesse et l’expérience de la durée en amour. Le temps de la préparation : choisir les titres, calculer comment les répartir entre deux faces de 30 ou 45 minutes, l’une après l’autre les écouter à mesure qu’on les enregistre et recopier les titres sur le petit morceau de papier cartonné à glisser dans le boitier. Une occupation qui n’autorisait aucune distraction. Et puis venait l’autre durée, celle de l’écoute. Le plaisir de savoir que l’autre allait prendre le temps de découvrir un à un ces petits bouts de musique qui ne parleraient qu’à lui, qui lui montreraient combien mon goût en musique était à la fois original et éclairé, décalé et coolissime. En bref : une déclaration d’amour et un portrait à ma gloire !
Et puis parfois, à la mixtape offerte répondait une autre en retour. Le cadeau à écouter au creux de l’oreille, dans le casque du walkman qui ne me quittait pas.
Pourquoi vous raconter tout ceci me direz-vous ? Parce que c’est dans le monde des mixtapes et d’autres souvenirs de l’adolescence que le roman de Stephen Chbosky invite le lecteur à plonger.
Charlie a quinze ans, habite la banlieue newyorkaise et entame sa première année de lycée. Encore ébranlé par le suicide de son meilleur ami, ce jeune garçon timide et sensible raconte son quotidien dans des lettres adressées à un correspondant inconnu. La vie au lycée s’étire sous le signe de l’ennui et des rêveries solitaires d’un ado qui n’appartient pas à la frange populaire de l’école et qui semble, par peur d’y sombrer, presque étranger à la multitude de sentiments qui l’animent. Les lectures conseillées par son professeur d’anglais, qui lui fait découvrir les grands auteurs, sont un refuge dans lequel il oublie un temps sa mélancolie. La rencontre avec deux élèves plus âgés, Patrick et la jolie Sam, va chambouler son univers et lui faire découvrir l’amitié, le sentiment d’appartenance à un groupe et, bien sûr, les premiers émois amoureux.
J’avais vu l’adaptation au cinéma, réalisée par l’auteur, et malgré tous les défauts du film, j’avais été touché par la justesse du ton et du regard sur l’adolescence. Et puis le billet d’Émeraude (ou plutôt son grand cri d’amour) m’a donné envie d’aller voir ce qu’il en était du roman, presque inconnu chez nous mais gros succès d’édition aux États-Unis1. (Et pour ceux qui ont parfois peur de lire en VO, c’est d’un niveau très accessible.)
Ici aussi, malgré certaines facilités et quelques ficelles un peu attendues, j’ai été emporté par le parcours de Charlie, cousin du début des années 1990 du Holden de L’Attrape-cœurs, par l’écriture, douce et sensible et par toutes les références à une époque pas si lointaine (pour peu, on pourrait presque ranger le livre dans la catégorie des romans historiques!). 
Face à certains livres, on met parfois de côté tout son attirail critique parce qu’il y a quelque chose qui résonne en vous de manière très puissante. Même si mon parcours n’est pas le même que Charlie, j’ai retrouvé cette impression propre à l’adolescence où tout semble vécu de manière intense, où les émotions débordent de partout et où chaque nouvelle expérience émerveille autant qu'elle inquiète. 
Et puis un livre qui vous donne envie d’écouter du Bowie, de (re)fumer un pétard ou de revoir The Rocky Horror Picture Show… ou de recevoir une jolie une mix-tape, c’est déjà pas mal, non ?

Références :
Stephen CHBOSKY, The Perks of Being a Wallflower, Simon & Schuster, 2009.

1 Le livre est sorti en français dans une collection jeunesse, d’abord sous le titre Pas raccord puis réédité avec le titre du film, Le Monde de Charlie (traduit de l’anglais par Blandine Longre, Éditions Sarbacane, 2008, nouvelle édition en 2012). À noter que ce titre est d’une parfaite idiotie et ne rend pas du tout compte de la poésie du titre original (qu’on pourrait traduire, en gros, par Les avantages d’être passe-partout).

8 commentaires:

  1. Ahhhh, moi aussi je faisais des mixtapes en mon temps !!!! Je customisais même la boîte de la cassette et le carton. Souvenirs, souvenirs...
    Il m'est arrivé d’en refaire quelques années plus tard sur CD.

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    1. (Va savoir pourquoi, je n'avais pas vu les commentaires pour ce billet!).

      Oui, moi aussi j'ai fait quelques cd mais ce n'est pas vraiment pas le même charme (et je ne parle même pas de la liste sur iTunes).

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  2. Je ne suis pas de l'époque du Rocky Horror mais les mix-tapes, oui !! Et je comprends ce que tu veux dire sûr le fait que ça donne envie de se replonger dans l'adolescence (et pourtant la mienne n'a strictement rien eu à voir avec celle de Charlie !)
    En tout cas je suis ravie que ça t'ait plu, surtout que je l'ai prêté à ma mère qui a trouvé ça trop lent... J'étais déçue qu'elle me dise ça !
    Ca me redonne le sourire de voir que d'autres que moi ont aimé ce roman (même s'il ne résonne plus aussi fort aujourd'hui qu'à la sortie de sa lecture..)

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    1. Le "Rocky Horror Picture Show" ce n'est pas non plus mon époque (le film date de 1975 et je n'étais pas encore né...) mais c'est un film culte.
      Merci de m'avoir mis sur la route de ce roman!

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  3. Article qui m'a rappelé que je voulais voir le film, ce que j'ai fait entretemps. Le livre me tente aussi du coup...

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    1. Je te conseille vivement le roman, surtout si tu as aimé le film.

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  4. Oh voilà qui est bien tentant !

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    1. Oui oui! C'est rare, je trouve, d'arriver à évoquer l'adolescence avec justesse et ce roman y parvient parfaitement tout en jouant sur la mélancolie d'une époque.

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