1 juin 2014

Voyage au bout de la nuit irakienne

Yellow Birds, Kevin POWERS

Un premier roman à l’écriture poétique sur le parcours d’un jeune soldat américain revenu d’Irak. Puissant.

Bartle est un jeune vétéran de la guerre d’Irak. Engagé à vingt-et-un an, sans conviction ni patriotisme exacerbé, il participe aux combats, en première ligne. Des journées étranges, au rythme suspendu, entre silences et fracas. À ses côtés, Murph, dix-huit ans. Juste avant leur départ, Bartle a promis à la mère de ce compagnon d’armes de veiller sur lui et de le ramener vivant. Une promesse en l’air dont il mesurait mal la faisabilité… Le nombre de morts dans les rangs américains s’alourdit chaque jour.

Au début de ce qui était censé être l’automne, ces chiffres signifiaient encore quelque chose pour nous. Murph et moi étions d’accord. Nous refusions d’être le millième mort. Si nous mourions plus tard, eh bien soit. Mais que ce chiffre fatidique s’inscrive dans la vie de quelqu’un d’autre.

Et pourtant, Murph ira grossir la liste des disparus, dans d’étranges circonstances. Un poids sur la conscience de Bartle, déjà rongée par les souvenirs et les sensations qu’il ne parvient pas à ordonner. De retour à la vie civile, il se met à l’écart du monde et tente de comprendre et de mettre des mots sur son expérience. Vivant mais éteint, il ressasse l’horreur et l’absurdité de son passage en Irak.
Si l’auteur s’est en partie inspiré de son expérience de soldat, ce premier roman n’est pas un reportage de guerre. Il alterne des chapitres sur le quotidien d’une unité américaine en prise avec des ennemis fantômes, au milieu d’une population effrayée, avec ceux sur la reconstruction impossible de Bartle à son retour chez lui.

Je ne distinguais pas le vrai du faux, ce que j’inventais de ce qui était réel, mais je voulais que cela cesse, je voulais tout quitter, et que ma perception du monde s’évanouisse comme s’évapore le brouillard. Je voulais dormir, c’est tout. Un souhait passif, que je ne réalisais pas. Bien entendu, la ligne de démarcation est mince entre ne pas vouloir se réveiller et vouloir véritablement se tuer, et même si pour ma part, je ne découvris que plus tard que l’on peut marcher un long moment sur cette frontière sans le remarquer, n’importe lequel de vos proches comprend ce qui vous arrive dans ces moments-là, et c’est alors que surgissent toutes sortes de questions sans réponse.

L’écriture de Kevin Powers est puissante. Poétique et pourtant terriblement directe, elle rend aussi bien compte de la peur et de l’angoisse lors des combats que de la confusion qui ronge les survivants. L’auteur ne porte pas de jugement sur les raisons qui ont poussé l’Amérique à envoyer à l’autre bout du monde ces jeunes hommes que rien n’avait préparés à l’horreur de la guerre. Mais dans sa manière de faire vivre et ressentir les sensations et les émotions qui traversent son personnage, il donne à ce roman une dimension qui dépasse largement le cadre du conflit irakien.

Référence :
Yellow Birds, Kevin POWERS, traduit de l’anglais (États-Unis) par Emmanuelle et Philippe Aronson, Le Livre de poche, 2014.

4 commentaires:

  1. A l'époque, sur un thème similaire, était sorti Fin de mi-temps pour le soldat Billy Lynn, de Ben Fountain. C'est celui-ci qui m'attend dans ma PAL J'espère qu'il m'emballera autant que celui-ci t'a emballé.

    RépondreSupprimer
  2. Je n'ai pas entendu parler de ce titre-là. Je note pour mes futures envies de traumatismes post-combats...

    RépondreSupprimer
  3. Noté ! Même si j'ai aussi Fin de mi-temps pour le soldat Billy Lynn dans ma PAL.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est un vrai coup de cœur pour moi. Je ne peux que conseiller.

      Supprimer